Cap sur Nice : immersion dans le quotidien de Karine et David

Pourriez-vous nous expliquer votre rôle et nous dire à quoi ressemble votre journée type ?

Karine Faivre: "Mon rôle consiste à piloter et superviser les opérations maritimes liées à l’acheminement de nos produits, notamment via notre navire le MV CAPO CINTO. C’est un poste d’interface entre la mer et la terre, résolument tourné vers la satisfaction de nos clients. Cela comprend la gestion de la flotte affrétée (navires vraquiers ou autres), la coordination avec les ports, les usines et les clients finaux, la planification logistique, ainsi que le respect des réglementations maritimes. Le tout avec un objectif clair : garantir la performance opérationnelle, financière et environnementale de nos transports. Ce poste agit comme un véritable entonnoir opérationnel : toutes les exigences techniques, logistiques et humaines convergent ici. Il faut veiller à ce que chaque navire affrété réponde aux standards de sécurité, de conformité et d’efficacité attendus par les ports qui l’accueillent comme par nos partenaires. En résumé, c’est mettre la mer au service de la chaîne logistique industrielle, pour garantir un flux fluide, sûr et performant, au bénéfice direct de nos clients."

David Lefevre: "Je démarre toujours ma journée par un bon bol d'air frais sur un des ailerons de la passerelle avec un café (je plaisante 😊) c'est le privilège du marin, un moment de détente dont on ne se lasse jamais et qui amène facilement à la réflexion. Je commence très tôt, souvent entre 6 h et 7 h, en prenant les informations auprès de l’officier de quart : météo, trafic maritime, avis aux navigateurs, échanges avec les autorités, et bilan de la nuit avec le second capitaine. Si je n’ai pas été réveillé, c’est que tout s’est bien passé. Ensuite, je procède à la revue des checklists, comme dans l’aviation, pour m’assurer que tout est prêt techniquement et humainement. Les manœuvres d’entrée ou de sortie de port sont les plus sensibles, surtout par mauvais temps. On embarque le pilote à l’heure prévue – c’est obligatoire pour les navires de plus de 50 mètres. On échange sur la manœuvre, on vérifie les points critiques, mais je reste seul responsable des décisions. En général, il faut une trentaine de minutes entre la prise de pilote et l’amarrage. Vers 7h30, commencent les opérations commerciales : chargement ou déchargement, coordination avec les agents portuaires, les clients, les dockers. À 8 h, je passe à l’administratif : rapports journaliers, échanges avec l’équipe commerciale, gestion des relèves d’équipage, suivi des maintenances et des certificats. Après une courte pause déjeuner, je reprends les opérations de ballastage pour ajuster la stabilité du navire. En fin d’après-midi, je prépare l’appareillage : plan de navigation, documents de départ, tests de sécurité avec l’équipage. Une fois le navire en route, je laisse le second capitaine prendre le quart. Je reprends la passerelle à 20 h pour mon quart de nuit, accompagné du maître d’équipage. À minuit, je transmets les consignes à l’équipe suivante. Ce rythme se répète pendant six semaines, avec des périodes de standby pour permettre à l’équipage de souffler et d’effectuer certaines maintenances."

Quelles sont les compétences indispensables ?

K. Faivre: "Il faut avoir une vision globale de la chaîne logistique, une solide expertise en transport maritime, et une rigueur opérationnelle à toute épreuve. L’anticipation des aléas (météo, congestion, incidents techniques), la capacité à gérer des priorités multiples et à piloter des contrats d’affrètement sont essentielles. Mais au-delà de la technicité, ce métier exige une aptitude au management transverse : il faut savoir dialoguer avec des acteurs très variés – transporteurs, exploitants, agents maritimes, pilotes, capitainerie, clients – en conciliant leurs contraintes tout en assurant les priorités du groupe Vicat. L’agilité, la réactivité et le sens du collectif font toute la différence. Et surtout garder son calme en toutes circonstances !"

D. Lefevre: "Le sens des responsabilités est important; Vous êtes le garant de la sécurité du navire et de l'équipage. Le capitaine représente les intérêts de l'armateur, l'image de Vicat dans nos ports d'exploitation est étroitement liée à l'attitude responsable et professionnelle de l'équipage. Une attitude courtoise et une capacité de compromis est nécessaire avec tous les acteurs liés à notre activité. Le leadership aussi; Vous devez amener l'équipage et le navire à réaliser la mission pour laquelle ils sont prévus. Vous devez être fédérateur, l'équipage vous suivra  s'il a confiance en vous. Il faut faire preuve d'une grande autonomie, de calme et être capable de prendre des décisions rapidement si nécessaire. Vous êtes votre premier sauveteur, pas de médecins ni pompiers pour vous aider sur place sauf à quai bien sûr. En dehors des compétences techniques, le relationnel a une place prédominante, il faut savoir imposer ses idées mais également être à l'écoute.  "Lead by example" est ma devise;  ne pas demander aux autres ce que vous ne pourriez pas faire vous-même."

Comment se passe le management d'un équipage ou la coordination entre terre et mer ?

K. Faivre: "C’est un travail de lien constant avec le bord. Chaque escale, chaque opération maritime est le fruit d’une coordination minutieuse entre les équipes à terre et les acteurs en mer. Ce métier ne s’exerce pas seul. Il repose sur un travail collectif remarquable : exploitants des usines, équipes de transport, ship management, manutentionnaires,  agents maritimes, capitaineries, pilotes de port… C’est une chaîne humaine et technique qui ne fonctionne que si chacun joue sa partition avec professionnalisme et engagement. Et c’est cela qui permet, au final, de garantir la fluidité et la fiabilité du transport maritime."

D. Lefevre:  "Vous êtes le maire, le sherif, le docteur et l'animateur de ce petit village, vous vivez avec vos administrés 24 h/24, 7 j/7, plus sérieusement vous devez les accompagner dans leur évolution professionnelle demander leur promotion quand cela est possible. Vous devez connaitre les points forts et les faiblesses de chaque membre de votre équipage afin de placer la personne au bon endroit et au moment opportun. Savoir déléguer des tâches importantes, la confiance est primordiale. Prémunir son équipe de l'accident, former, entrainer, amener ses collaborateurs à prendre la bonne décision, apporter des éléments de réponse aux interrogations quand cela est possible.  Prioriser l'intérêt général. Gérer la partie administrative des certificats afin de s'assurer que tous ont bien leurs documents à jour. Réaliser les évaluations en fin d'embarquement et planifier le retour à la maison pour chacun d'entre eux. La psychologie et le relationnel vis à vis de son équipage sont la clé de voûte."